Erwan Mas : Tu n’en est pas à ton coup d‘essai, entre courts métrages (Natura, La tour…) et longs métrages (Mémoire du désespoir, Temps…), te voici de retour avec un nouveau long métrage, La planète cimetière, que tu juges comme étant le plus ambitieux et dans lequel, il faut le dire, tu sembles prendre un certain plaisir à jouer du cinéma, de ton spectateur, ainsi que de l’image. Comment te vient l’idée de faire un film de ce genre, utilisant un certain nombre de processus, et surtout comment naît l’idée de Planète cimetière ?

Nicolas Perreau : Ce qui est assez frappant et étrange avec l’origine de ce projet c’est que le processus a été assez rapide. Je souhaitais réaliser une adaptation littéraire depuis toujours et finalement c’est sur Solaris que s’est porté ma première tentative. 

L’idée de La Planète Cimetière vient en réalité d’un post écrit par un compte twitter dont je n’ai plus le nom (si tu me lis je te remercie) qui avait partagé une info à propos d’une adaptation par Ryusuke Hamaguchi de Solaris pour un projet étudiant sous l’égide de Kiyoshi Kurosawa. Le projet était assez fou, il s’agissait de faire un film dans l’espace avec très peu d’éléments (la salle de classe je crois) et ça m’a inspiré…

Erwan Mas : La question de l’adaptation littéraire est intéressante, que vois-tu justement dans la littérature qui te donne envie de faire un film ? Une inspiration, une œuvre intégrale, un élément en particulier ? Et surtout, vois-tu dans ce processus d’adaptation un bousculement dans ta filmographie, peut être un nouveau chapitre ?

Nicolas Perreau : Dans la littérature il est justement question de l’invisible, de ce que l’on ressent face aux mots et ensuite faut le retranscrire avec l’image. Ce n’est pas de la tarte car il y a le poids du respect de l’œuvre originale mais e concernant j’ai fait le choix du compromis. Tout changer tout en gardant le cœur de l’œuvre. Donc il fallait adapter Lem tout en gardant l’idée que l’adaptation serait plus une inspiration puisque le point de départ est un de mes anciens projets de scénario inachevé. Et, effectivement, La Planète Cimetière m’a permis de passer un cap, c’est un nouveau chapitre car maintenant je peux enfin assumer de construire des films qui ne dialoguent pas qu’avec des films. 

Erwan Mas : Le film est marqué par plusieurs passages utilisant l’intelligence artificielle qui sont d’ailleurs plutôt intéressants puisque la variation des formes qu’il en ressort s’accorde en quelque sens avec le récit labyrinthique de ton film. Comment expliques-tu l’utilisation de ces IA ?

Nicolas Perreau : L’usage de L’IA a été une assez belle surprise dans la mesure où ce n’était absolument pas prévu dans le scénario du film. C’est après une discussion avec un ami qui s’intéresse à L’IA que j’ai eu l’envie de m’en servir. Et finalement c’est devenu une incarnation des cauchemars du personnages, je voulais que les cauchemars soient “naturels”. Les cauchemars sont aléatoires, nous ne décidons pas de leur existence, c’est le cerveau qui en fabrique pour nous. L’idée c’était de se rapprocher de ces images qui nous possèdent pour créer une angoisse et également renforcer le caractère labyrinthique du film. Et, conclusion, le film est un peu un Mulholland Drive dans l’espace et ça me convient. Il s’éloigne réellement des autres adaptations de Solaris par cet aspect.

Erwan Mas : As-tu d’autres projets ? Vont-ils dans le sens artistique de ce film ?

Nicolas Perreau : Je tourne actuellement un film d’horreur autour de la peur de l’espace, des lieux qui se répètent. C’est inspiré de la culture qui s’est développée autour des backrooms et de La Maison des Feuilles. Je travaille également sur une saga autour des inquiétudes écologiques qui mélange des ébauches de projet de scénario.Je ne sais pas s’ils vont dans le sens artistique de La Planète Cimetière mais il est certain qu’il y aura une continuité.

Propos recueillis par mail, par Erwan Mas.


La planète cimetière, Nicolas Perreau, sortie le 1er mars 2025 sur YouTube accessible en cliquant ICI.

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