Premier long-métrage distribué en France de Farahnaz Shafiri, My Stolen Planet revient, avec l’aide d’archives privées, sur près de cinquante ans de lutte contre la République Islamique. 

Rapporter des images clandestines d’une société sous le joug d’une dictature devient un moyen d’expression majeur pour les cinéastes iraniens depuis les premières réalisations de Jafar Panahi. Farahnaz Shafiri adopte également ce procédé en mêlant images personnelles et found footage sous forme de bobines, achetées dans une boutique de photographie de Téhéran. L’origine de ces dernières n’est jamais connue mais elles témoignent d’une vitalité à un niveau micro, dans l’intimité des foyers, loin des regards inquisiteurs des Gardiens de la Révolution. Si la cinéaste peut visionner ces images, c’est avant tout parce qu’elles appartiennent à une époque révolue. Le caractère passé de ces moments le plus souvent festif est consubstantiel de la manière dont ces enregistrements sont récupérés : ils sont la trace de familles qui ont fui le pays et dont les biens ont été accaparés par des fonctionnaires du régime. Par l’alternance de ces artefacts et de prises de vues qu’elle a réalisé tout au long de sa vie en Iran, la réalisatrice élabore une mémoire audio-visuelle de la lutte de la société civile contre l’idéologie rétrograde du gouvernement. 


Cette dualité images personnelles/images trouvées est redoublée par l’antagonisme existence publique/espace intime (que la réalisatrice nomme sa planète). Aux photographies d’identité, en tenue correspondant aux canons religieux, succèdent les clichés de famille où les voiles ne recouvrent plus les têtes. La réalisatrice souligne ainsi la faiblesse d’un régime qui ne parvient à imposer ses lois iniques qu’en surface. Malgré la vitalité des images festives captées dans les salons iraniens, c’est bien une logique mortifère que travaille Farahnaz Shafiri : ces images sont des archives, elles donnent à voir des femmes et des hommes disparus, soit qu’ils soient partis d’Iran pour fuir les répressions incessantes, soit car ils ne sont plus. Filmer est un acte dangereux dans une société totalitaire, et peut, comme chez Patricio Guzman (la séquence de mise à mort d’un journaliste par un policier lors du coup d’Etat du 11 septembre 1973 dans La Bataille du Chili : Le coup d’état militaire (1976)), conduire à la mort lorsque sont captées des exactions policières. C’est probablement dans cette capacité à articuler des images de luttes, passées mais aussi présentes, que le film de Farahnaz Shafiri excelle. Car si la persistance du régime malgré une opposition vivante désespère, le documentaire souligne en creux la détermination des générations successives à produire des images contre l’oubli.


Image de couverture © Farahnaz Shafiri


  • Images d’une résistance : My Stolen Planet (Farahnaz Shafiri, 2025)

    Images d’une résistance : My Stolen Planet (Farahnaz Shafiri, 2025)

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