Après une première adaptation de l’univers de René Goscinny et Albert Uderzo avec Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, Alain Chabat (Accompagné de Benoît Oullion et Pierre-Alain Bloch) revient dans l’univers des irréductibles gaulois avec une adaptation cette fois-ci en animation de l’album Le Combat des chefs (1966). Annoncée il y a déjà cinq ans, la mini-série est disponible sur Netflix depuis le 30 avril 2025. Le génie de Chabat lui est-il tombé sur la tête ? Brisons le tabou et par Toutatis, il est toujours l’héritier de la redoutable plume de Goscinny.
Résistant toujours aux diverses tentatives d’invasions de la part de l’armée romaine de Jules César grâce à la potion magique concoctée par le druide Panoramix. Les irréductibles gaulois tombent des nues lorsque Obélix fait malencontreusement tomber un menhir sur le créateur de la ressource les protégeant de l’impitoyable empereur. Le ciel de l’invasion romain voulant réellement tomber sur le village, Abraracourcix doit affronter un chef d’un autre village Aplusbégalix, converti au mode de vie romain.
Ce qui frappe d’emblée dans cette nouvelle adaptation de la bande dessinée de 1966 (après Le Coup du menhir en 1989), c’est l’entrée en matière dans une histoire du célèbre gaulois. Après une introduction pré-générique où les romains se font battre une énième fois. On assiste à la première transgression de l’album faite par Chabat, un flash-back sur l’amitié entre Astérix et Obélix et comment ce dernier est tombé dans la marmite dans son enfance (divinement interprété par Gilles Lellouche). Ce retour en arrière brise la célèbre introduction de chaque album, qui sera tournée régulièrement en dérision les divers personnages romains : “Nous sommes en 50 avant Jésus-Christ, toute la Gaule est occupée par les romains… toute ? Non ! Un village peuplé d’irréductibles gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur.” Ce détour avant le début de l’histoire permet à la mini-série de se placer comme une actualisation de l’univers. Une entrée en matière pouvant être grossière mais nécessaire pour Chabat, pour remettre en avant le duo iconique.
Le Combat des chefs revient donc aux racines pour prendre un élan appréciable, créant une dynamique amicale qui va se briser au fil des cinq épisodes. Le choix d’adapter l’album éponyme de 1966 devient d’autant plus pertinent lorsque, pour la première fois, les gaulois doivent se débrouiller sans la potion magique de Panoramix. La série approfondit alors une tension crescendo sur le fameux combat à venir, le duo mythique déballant ce qu’ils n’arrivent pas à se dire lorsqu’ils sont fâchés. Un conflit né de l’inattention d’Obélix, devant compter sur son partenaire de toujours, illustré par la récurrence de son stress lorsqu’il doit prononcer un discours. La zizanie – une des deux lignes narratives de Goscinny – est alors pleinement en marche dans les piques que les personnages se lancent, les divers jeux de mots avec le langage gaulois et romain, que ce soit les -ix et -us, les références ou encore l’anachronisme. Ce dernier point est utilisé pour actualiser les thématiques de l’album originel, que ce soit l’indépendance du personnage original à cette adaptation, Metadata et sa délicieuse répartie assez cinglante sur les réels objectifs des romains. Chabat profite également de la jeunesse du personnage pour évoquer un fossé générationnel entre les hommes et les femmes, de l’archaïque volonté de conquête assez musclé par la gent masculine, qui atteint son apothéose avec les échanges croustillants entre des présentateurs sportifs, où son représentant masculin caricature un tristement célèbre chroniqueur de CNews.
On ne retrouve pas seulement la réappropriation de l’univers d’Astérix dans le texte mais également dans ce qui a fait sa renommée, à savoir la narration et l’humour visuelle. Chabat et son équipe d’animateurs se donnent à cœur joie de prendre le meilleur de la nouvelle référence en matière d’animation, les Spider-Verses de Sony, et leurs appropriations avec les codes du 9ème art, comme les onomatopées, aux jeux d’ombres et la rondeur du trait d’Uderzo et les divers gags visuelles et physiques. Ce dernier point allant jusqu’à la surprise en fin du cinquième épisode avec un sketch se déroulant en parallèle des événements de la série, sur deux sangliers prenant ses racines humoristiques dans les cartoons de la Warner. La mini-série pousse l’animation plus loin que les deux bonnes adaptations de Astier et Clichy, où seul le texte était au centre de l’humour. Chabat renouvelle la grande qualité de Mission Cléopâtre à travers les diverses références visuelles plus ou moins visibles à l’écran, encore un hommage au détail cher au duo Goscinny et Uderzo, auquel on prend plaisir durant ces cinq épisodes à replonger dans cet univers toujours vivace malgré le dernier raté en matière d’adaptation.
Image de couverture © Netflix
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