Chroniques fidèles survenues au siècle dernier à l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville, au temps où le Docteur Frantz Fanon était Chef de la cinquième division entre l’an 1953 et 1956 — pour son titre complet, simplifié simplement Frantz Fanon — cherche à donner une idée de qui est ce psychiatre noir, anticolonialiste et fervent activiste antiraciste.

Abdenour Zahzah choisit de centrer le propos de son film sur quelques semaines de la vie du docteur, pour éviter un biopic trop classique et détaillé, dans le service de psychiatrie de l’hôpital de Blida-Joinville, qui porte aujourd’hui le nom de Frantz Fanon. À travers ces instants dans un service qu’il dirigera ensuite pendant trois ans, le réalisateur tente de montrer les nouvelles techniques psychiatriques apportées par ce jeune praticien.  Le film se focalise presque exclusivement sur la question de comment rendre plus humain un domaine profondément déshumanisé, Frantz Fanon proposant aux aides soignants d’être plus proche des patients, et en proposant, par exemple, aux patients de s’exprimer publiquement sur leurs troubles ou leurs envies. 

Cependant, il reste difficile de saisir le message porté par cette représentation du personnage central. Éloigné de ses revendications antiracistes, exposées dans Peau Noire, masques blancs (1952), ou anticolonialistes, développées dans Les Damnés de la Terre (1961), le film tente de montrer un docteur « plus humain », qui essaye tant bien que mal d’exister dans un hôpital algérien alors entièrement dirigé par des Français de la métropole aux méthodes archaïques.

Mais le film peine à convaincre. Le propos politique est bien trop contenu et simpliste — même vers la fin, lorsque débute la guerre d’indépendance de l’Algérie –– , il est difficile de comprendre où le film veut réellement mener le spectateur. On déambule d’un couloir à une salle commune de cet hôpital sans jamais y trouver un réel propos, une volonté d’ouvrir le récit sur quelque chose de plus universel, de plus proche des écrits de Frantz Fanon. La mise en scène est d’ailleurs un peu limitée, le montage servant aléatoirement à passer d’une scène à une autre sans liant, à l’image d’un reportage. Le champ contre champ domine la majorité des dialogues, parfois entrecoupé d’un plan d’ensemble assez froid. Le film semble constamment être coincé entre le biopic de cinéma et le docu-fiction télévisé.

Il s’apparente donc davantage à un enchaînement d’événements réellement vécus par Fanon, à la manière d’un film chapitré, voire à des sketches, manquant d’un fil directeur qui viendrait lier l’ensemble. On le voit tantôt parler avec les patients — mais ces scènes sont trop brèves pour pleinement captiver —, tantôt discuter avec son personnel, mais là encore, c’est trop succinct pour vraiment susciter l’intérêt.

Fanon s’emporte contre les maltraitances faites aux patients, mais sans que l’on en voit jamais réellement les conséquences. Le film effleure de nombreuses questions sur le fonctionnement de l’hôpital psychiatrique et sur les apports d’une psychiatrie nouvelle dont Fanon se fait le fer de lance, ou du moins l’inspirateur, sans jamais véritablement creuser son sujet.

Frantz Fanon s’avère donc assez plat, et ce ne sont ni le très beau noir et blanc, ni la performance remarquable d’Alexandre Desane qui interpréte avec grand justesse l’image que l’on peut se faire de Frantz Fanon en le lisant,  qui suffisent à réellement bouleverser ou captiver le spectateur. De plus, la direction d’acteurs, parfois trop théâtrale tranche avec le réalisme des situations. Il n’est pas rare d’être surpris, voire gêné, par certains comédiens amateurs, au point de rompre avec la cohérence de l’ensemble et l’excellence d’Alexandre Desane.

Abdenour Zahzah se heurte au choix entre documentaire et fiction biographique, et malgré la volonté d’une grande véracité historique sur la vie de Frantz Fanon, la mise en scène ne parvient jamais à emporter son spectateur.


Image de couverture © Shellac Films


  • Frantz Fanon – Abdenour Zahzah

    Frantz Fanon – Abdenour Zahzah

    Chroniques fidèles survenues au siècle dernier à l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville, au temps où le Docteur Frantz Fanon était Chef de la cinquième division entre l’an 1953 et 1956 — pour son titre complet, simplifié simplement Frantz Fanon — cherche à donner une idée de qui est ce psychiatre noir, anticolonialiste et fervent activiste antiraciste.…