Adapter du Stephen King au cinéma semble presque une habitude pour le cinéma d’horreur américain depuis Carrie au bal du diable (1976) de Brian De Palma. Ces adaptations sont toutes différentes et peuvent être des chefs d’œuvres acclamés (La Ligne Verte ou Les évadés), des films devenus cultes (Shining ou Misery), des films prometteurs (Jessie ou The Mist), d’énormes ratages (Simetierre, Firestarter ou Cellulaire), ou bien des films d’horreur très divertissants (Ça partie 1 et 2). The Monkey d’Osgood Perkins rentre parfaitement dans cette dernière catégorie en ajoutant sa dose de comique.

Le film adapte une nouvelle de Stephen King dans laquelle un jouet mécanique en forme de singe sème la mort autour de lui lorsqu’on l’active. Le film est scindé en deux parties, copiant ainsi la forme de la nouvelle : une partie où le protagoniste est adolescent et découvre un jouet mécanique en forme de singe, puis une seconde où l’on retrouve le personnage adulte, qui doit, avec l’aide de son fils, retrouver le singe mécanique ressurgi mystérieusement dans sa vie.

Malgré son aspect comique et fun autour de l’absurdité des différentes morts, accentué par le montage, le film ne développe rien d’autre. Il est donc une sorte de nouveau Destination finale dans lequel les morts les plus absurdes et gores ne laissent pas de place à autre chose. Le film tente sans trop de conviction de parler de familles brisées, et de responsabilité de la paternité mais les enjeux émotionnels sont toujours désamorcés par une mort sanglante. Ce qui est dommage quand on sait que les rapports familiaux sont importants pour le réalisateur (fils du célèbre acteur Anthony Perkins). Le seul enjeu familial vraiment bien du film tourne autour du rapport avec la mère. Le réalisateur a perdu sa mère dans l’attentat du World Trade Center en 2001. On sent donc la cicatrice de la perte de la mère dans le film: un sentiment de culpabilité plane sur le personnage principal du film quant à la mort de la mère. Cependant, le film désamorce les autres enjeux familiaux par une mort abracadabrantesque (le rapport avec le frère jumeau) ou bien une scène très drôle avec Elijah Wood (les responsabilités de la paternité). Le film n’est finalement rien d’autre qu’un terrain de jeu pour Oz Perkins pour mettre en scène une escalade de morts plus gores et plus absurdes les unes que les autres. Même cet aspect-là qui est tout de même fort divertissant et rigolo aurait pu être poussé plus loin pour proposer un véritable film absurde mais il reste trop sage là-dessus : il faut bien vendre ce film. 

C’est peut-être réellement là le problème de The Monkey : ne pas développer les enjeux émotionnels du film pour en faire une bête comédie d’horreur sans aller chercher plus loin. Ce qui est fort dommage quand on sait que Stephen King aime, dans ses romans d’horreur, développer des messages forts et angoissants sur notre réalité (après tout Shining parle bien d’alcoolisme et de violences paternelles).

La mise en scène de Perkins est sobre mais suffisamment efficace. Il se lâche dans une séquence onirique assez sympathique mais trop courte qui aurait pu montrer toute une palette surréaliste du réalisateur. Le film semble trop court (une heure et demie) pour permettre au réalisateur de développer sa mise en scène horrifique et préfère rester sur ce qui marche tout le long du film : filmer des morts absurdes. Le montage est cependant amusant et rentre parfaitement dans la démarche de faire du film une comédie d’horreur avec des cuts très abruptes entre une mort violente et l’enterrement de la personne.

Un autre point fort de The Monkey est ce singe mécanique. Il est juste parfait dans son design et peut être vraiment effrayant quand le réalisateur décide d’en faire un vrai objet d’horreur. Les jouets effrayants qui tuent ne sont pas nouveaux au cinéma et OzPerkins le sait. Préférant l’angoisse de la présence du jouet plutôt que de jump scare, le réalisateur rend l’objet fascinant d’horreur. Les yeux du singe mécanique semblent toujours regarder la caméra et brillent dans l’obscurité d’une scène grâce au reflet de la seule lumière de la scène. Il est également intéressant de noter que le design du singe mécanique change entre la nouvelle de Stephen King et le film. Dans la nouvelle, c’est un singe avec des cymbales qui, lorsqu’elles s’entrechoquent provoquent la mort. Le jouet du film délaisse les cymbales pour un tambour. Une des baguettes tenue par le singe tourne alors avant de s’abattre sur le tambour et de provoquer la mort. L’idée de la baguette qui tourne renforce le côté hasardeux de la mort. Qui le singe a-t-il choisi? Le hasard des morts accentue le côté horrifique du film. Ces quelques plans du singe marquent le film (ainsi que la partie marketing du distributeur).

The Monkey d’Osgood Perkins ressemble finalement plus à un sketch d’Halloween des Simpson Horror Show : c’est court, on rigole et il y a un côté cartoon. On en sort bien diverti et le film reste drôle mais ne développe rien de plus. On peut se dire que le film sera au moins agréable à regarder un soir d’Halloween entre amis avec du pop-corn, et peut avoir sa place aux côtés des comédies d’horreur culte.


Illustration de l’article © Metropolitan FilmExport


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