Parent d’une adorable jeune fille, boxeur le jour, et braqueur la nuit, Kasper (Gustav Dyekjaer Giese) vit dans le besoin de toujours devoir être le meilleur dans ce qu’il touche : meilleur boxeur du Danemark, il veut récolter plus de gains que le braquage fait par d’autres quelques jours auparavant… L’ultime braquage n’est pas uniquement le film d’un casse – de plus, inspiré de faits réels – puisqu’il est aussi le récit d’un homme perdu dans son animosité.

La séquence introductive donne le ton au film par son dynamisme : à l’intérieur d’un fourgon, la caméra est à l’arrière et filme deux braqueurs-euses très vite menacé·es par des braqueurs visiblement ennemis. L’exécution de ces deux personnages – que l’on croit d’abord personnages principaux – se déroule en dehors de la voiture et la caméra va se contenter d’un plan fixe pour les filmer : d’une part l’homme se fait abattre lorsqu’il fuit, devant le véhicule, et le spectateur découvre le meurtre sauvage de la femme dans le rétroviseur. Cette séquence prouve un certain travail du cadre qui a tendance à se perdre par la suite. Nous pourrions nous arrêter là, pourtant un autre élément dérange : les séquences limpides et le montage saccadé ; rares sont les fois où le film calme son récit pour créer un lien avec le spectateur. Certaines scènes, parfois tristes, questionnantes, voire choquantes – Slimani (Reda Kateb) qui plonge la tête de sa copine dans l’eau du lavabo – semblent anodines pour le réalisateur qui choisit de les plonger dans l’ombre comme dans une certaine précipitation ressentie par le montage du film. Par exemple, la vigile est très peu présentée, nous ne connaissons que son courage et sa motivation mais le reste est maintenu sous silence.

La force du film est d’insister sur ce point de bascule, ce point de non-retour qui fait flancher tout le braquage. Kasper, qui a tout organisé, est lui-même responsable de tout ce qui en découle ensuite : la vigile gravement blessée, laquelle reconnaît le visage du braqueur, lequel doit fuir… Aveuglé par son désir de tout posséder et en soif de reconnaissance, il finit par en perdre sa fille, sa compagne, sa vie ; et il en va finalement de même, en un sens, pour L’ultime braquage puisque Frederik Louis Hviid, comme empressé, se laisse doubler par sa précipitation influant sur ce film.


Image de couverture © Henrik Ohsten


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