Matthias (Albrecht Schuch), un viennois trentenaire, travaille pour une société de location de proches, domaine dans lequel il excelle, cependant, sa vie sociale s’avère plus délicate.

Si le film fait montre de drôlerie, il ne se départit pas de l’inanité de la vie de ces personnes d’âge moyen dont les motifs de satisfaction reposent sur l’abondance matérielle. Autre aspect singulier : la place accordée à la figure de l’animal, essentiellement décorative, voire cosmétique. Vivants ou figurés, ils peuplent indistinctement le logis épuré de Mattias tout comme les parcs où ils assurent une compagnie charmante : une œuvre en forme d’ours polaire, un chien de location, un paon, sont autant de présences sensées aiguayer la vacuité. Le long-métrage de Bernhard Wenger se propose justement d’établir la généalogie de ce vide existentiel : elle réside dans l’incapacité du personnage principal à se détacher de sa profession. Pour le dire autrement, il semblerait qu’à force de jouer la comédie en incarnant des rôles, il ait perdu la conscience de sa singularité. Le cinéaste autrichien travaille habillement ce lien de causalité qui, s’il n’est pas des plus subtils, ne laisse pas d’interroger sur notre rapport à l’identité et à l’altérité. 

Maison d’architecte, mise impeccable, voiture rutilante : de prime abord, l’existence du personnage principal apparaît sans accros et pleinement satisfaisante. Le cours serein des événements est bousculé lorsque sa compagne, Sophia, le quitte, lassée par l’absence d’affirmation de son conjoint dans leur relation. Le déficit de personnalité de Matthias émerge comme le motif central de ce premier long-métrage qui dresse un portrait acerbe et non dénué d’humour sur le conformisme du monde capitaliste contemporain. Wenger tourne pelle-mêle en dérision les discussions mondaines, l’art contemporain, les médecines alternatives, l’aseptisation de l’espace public. 

Cette alternance entre humour grinçant et malaise face aux tentatives du héros de s’amender constitue sans conteste la plus grandes réussite d’un métrage qui ne fait preuve d’aucune bienveillance envers ce petit mode froid et vain. On retrouvait déjà ce regard acéré dans le court-métrage Demande en mariage en montagne (2018) où le dispositif du plan large tournait en dérision le lieu commun de la demande en mariage tout comme il moque dans Peacock le désir de Mattias d’être reconnu, c’est-à-dire de s’extraire de l’abîme impersonnel dans lequel il a sombré. Mais le paon, d’où le film tire son titre, est un animal qui mise tout sur son apparence : il ne peut se départir de ses atours, il est une coquille vide.


Image de couverture © Geyrhalterfilm-Cala-Film-Albin-Wildner


  • Peacock (Bernhard Wenger)

    Peacock (Bernhard Wenger)

    Matthias (Albrecht Schuch), un viennois trentenaire, travaille pour une société de location de proches, domaine dans lequel il excelle, cependant, sa vie sociale s’avère plus délicate. Si le film fait montre de drôlerie, il ne se départit pas de l’inanité de la vie de ces personnes d’âge moyen dont les motifs de satisfaction reposent sur…