Jon Watts, le réalisateur du tristement célèbre Spider-Man : No Way Home, sur une série Star Wars ? A priori, ça ne devrait pas marcher. Le résultat ne peut qu’être de la qualité des séries Obi-Wan et Ahsoka. Et pourtant…
Quatre enfants de la planète tranquille d’At Attin rêvent d’aventures. Mais dans la société bien agencée d’At Attin, leur chemin est déjà tout tracé et chaque enfant sait exactement quel métier il exercera : celui de leurs parents. C’est alors qu’ils tombent sur un mystérieux vaisseau enfouis dans la terre. Ce dernier se met soudainement en marche et les voilà partis pour une autre galaxie, lointaine, très lointaine…
Wim, Neel, Fern et KB ont donc huit épisodes pour retourner chez eux avec l’aide de Jod (Jude Law), poursuivis par une dangereuse troupe de pirates . L’influence des Goonies est évidente, autant dans la prémisse que dans les grandes idées de la série : un groupe d’enfants part à l’aventure à la recherche d’un trésor et rencontrent pirates, pièges et brigands. Mais Christopher Ford et Jon Watts, les showrunners de la série, ne se sont pas contentés de reproduire leurs modèles. Les enfants ne sont pas de grands aventuriers comme dans Les Goonies : ce sont juste des enfants, pas très compétents, faibles face aux adultes, effrayés, qui veulent rentrer chez eux. Face à un casting de jeunes acteurs, tous bons, Jude Law détonne dans un personnage très ambivalent qui résume à lui tout seul les deux thématiques de la série : la soif d’aventure et les dangers de la galaxie.
Un peu à la manière de Roald Dahl, les aventures de nos jeunes héros leurs prouvent bien une chose : la galaxie est pleine de dangers, tout particulièrement pour les enfants. Roald Dahl a pour habitude d’écrire ses livres pour enfant avec une idée en tête : prévenir les enfants que le monde est plein de dangers réels. En faisant figurer des dangers fictifs comme les sorcières dans Sacrées Sorcières ou en punissant chaque enfant de Charlie et la Chocolaterie pour un excès, Dahl montre bien la conduite à suivre si son jeune lecteur veut arriver jusqu’à l’âge adulte. Dans Skeleton Crew, ce ne sont pas les menaces qui manquent : pirates sans foi ni loi, seigneurs de guerres cherchant à les embrigader, amis qui se révèlent être des ennemis. L’univers de Star Wars est habilement utilisé et détourné pour servir le propos : même les jedis ne sont pas si vertueux qu’on le croit.
Tout au long de la série, nos héros sont en difficulté dans cette galaxie hostile et ont besoin d’un adulte comme le personnage de Jod. L’épisode 2 est particulièrement parlant. Les enfants se retrouvent dans un repère de pirates. Ne sachant pas comment se comporter, ils s’attirent alors très rapidement des problèmes et se retrouvent en prison. Ce n’est que grâce à Jod qu’ils réussiront à s’enfuir. Toutefois, au fur et à mesure des épreuves, nos héros s’affirment et s’enhardissent pour devenir, à la fin, plus courageux que leurs parents. Cette affirmation tourne autour des rêves des enfants. Wim se berce des histoires des glorieux jedis et voit ainsi Jod comme un parangon de vertu. Leur confrontation à la réalité dans leur aventure est alors source de déception. Toutefois, avec la conclusion du dernier épisode, la série finit sur un message fort : quelque part, malgré la foule de personnes dangereuses qui peuplent la galaxie, il existe des hommes bons, qui se battent pour ce qui est juste.
De plus, chaque personnage se développe et mène à une thématique supplémentaire servant l’intrigue globale. Prenons l’exemple de de l’épisode 6, globalement moins réussi, qui amène un message sensible sur la différence et l’handicap autour du personnage de KB.
Parvenant à peu près à éviter le côté épisodique, si visible dans The Mandalorian, Watts et Ford lient habilement leurs épisodes et réussissent à écrire un tout cohérent thématiquement. Alors que les épisodes 3 et 4 paraissent réellement construits sur un format épisodique, le final reprend heureusement des éléments introduits dans ces épisodes. La volonté de faire une série à part du reste de l’univers est bien visible et tout à fait louable, d’autant que la promesse est tenue jusqu’au bout : pas de fan service, comme celui assez détestable de The Acolyte, ou de twist final énervant.
La série étant produite par Jon Favreau et Dave Filoni, elle est construite sur la même logique que The Mandalorian, The Book of Boba Fett et Ahsoka : un épisode, un réalisateur (plus ou moins amateur). Le casting de réalisateur mélange des habitués des séries Star Wars comme Bryce Dallas Howard ou Lee Isaac Chung et des nouvelles têtes, issues notamment de films produits par A24, tels que David Lowery ou Daniel Kwan et Daniel Scheinerts (ou les “Daniels”).
Prenant un pas de côté scénaristiquement et ne comprenant aucun élément ne faisant manifestement référence à d’autres productions Star Wars, la série échoue malheureusement à réellement se démarquer d’un point de vue visuel. Excepté les deux épisodes de David Lowery, élégamment mis en scène, la réalisation demeure très classique, parfois sans aspérités. Bien que nous demeurons à un certain niveau de qualité, malheureusement absent dans des séries comme The Mandalorian, on alterne des épisodes sans aucun style (celui de Dallas Howard), des décors assez laids (celui de Kwan et Scheinerts), ou même une très mauvaise utilisation des effets spéciaux (ceux de Watts).
L’irrégularité dans la qualité de la mise en scène se ressent aussi dans la différence d’utilisation de la musique de Mick Giacchino (compositeur entre autres de The Penguin et fils de Michael Giacchino). Elle est parfois presque inaudible alors que d’autres épisodes la mettent plus en avant. Dans un style bien starwarsien, la bande originale garde toutefois ses distances avec Williams en ne le citant jamais. Giacchino fils développe une partition centré autour du thème aventureux des enfants, celui plus inquiétant de Jod et celui des pirates. Petite réussite, il faudra tout de même parfois bien tendre l’oreille pour apprécier le travail du jeune compositeur.
Finalement, que reste-t-il de cette série ? Souffrant de quelques manques d’originalité, la série parvient tout de même à se faire sa place, unique, dans l’univers télévisuel Star Wars et à intéresser petits et grands. En revenant sur des thèmes forts de Star Wars parfois passés à la trappe sur les dernières productions, elle paraît ainsi toucher à ce qui faisait l’essence de Star Wars : le combat du mal contre le bien et tout simplement l’émerveillement.
Star Wars : Skeleton Crew est une série disponible sur Disney +.
Image de couverture © Lucasfilm
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