Sano (Hiroki Sano) séjourne dans un hôtel d’Izu avec son ami Miyata (Yoshimori Miyata), à la recherche d’un objet perdu, il apparaît que ce n’est pas la première fois qu’il se rend en ces lieux. 

Après Hold Your Breath Like A Lover (2015) et la co-réalisation de Takara, la nuit où j’ai nagé (2018, Damien Manivel étant par ailleurs un des co-producteurs de ce nouveau métrage), Kohei Igarashi ponctue son exploration de l’errance de figure solitaires avec Super Happy Forever. Si le personnage principal n’est pas seul dans sa villégiature, il semble affronter en silence une terrible douleur dont divers objets seront le vecteur. D’abord un téléphone portable, dont le jeune homme se débarrasse avec rage au beau milieu d’une conversation. Plus tard, c’est une petite boîte en carton, maintenant entrebâillée la porte de sa chambre d’hôtel, l’ouverture permettant l’écoute au loin d’une chanson entonnée par une employée de l’établissement. Ce micro-événement sensible, opère, à la faveur d’un panoramique sur les pans de la chambre de Sano, un basculement du film dont le présent diégétique semble débordé par le surgissement d’une temporalité antérieure. Le repos n’est ainsi pas la motivation de ce voyage qui s’apparente bien plutôt à un pèlerinage sur une terre chargée du souvenir d’une rencontre estivale. Rencontre symbolisée par une casquette, objet de l’investigation de Sano dans l’hôtel dont il s’agit de la dernière saison d’activité avant une fermeture définitive.

Kohei Igarashi filme la mort au travail, la fin d’un petit univers intime dont les différentes composantes s’évanouissent successivement. Le film, tripartite – le flashback étant enserré par deux blocs contemporains – met en lumière le passage du temps : un restaurant, fréquenté cinq ans auparavant, a fermé ses portes. Pour autant, le long-métrage, par le traitement identique de l’image passée et présente, entretient une confusion certaine entre ce qui relève du révolu et du contemporain, comme si le deuil de ce qui a été, était prématuré. Si Super Happy Forever se concentre sur une exploration sensible du geste de la réminiscence, il ne se départit pas de l’ici et du maintenant, comme en témoigne l’intérêt porté aux gestes d’une femme de ménage vietnamienne (Hoang Nh Quynh, celle dont on entend le chant) dans le cadre de son travail, relations avec les touristes et la direction comprises. Sa présence, centrale lors des dernières minutes, ponctue la circulation des objets dépositaire de moments passés qui ne sont pourtant pas condamnés à y être enfermés. C’est bien là toute la réussite de ce troisième long-métrage du cinéaste japonais, à une approche figée de l’ante, il privilégie ce qui est.  Super Happy Forever ne se complait pas dans le souvenir, il met brillamment en exergue le présent et ceux qui le peuplent. 


Image de couverture © Survivance


  • Super Happy Forever (Kohei Igarashi) : artefacts épars d’un monde perdu

    Super Happy Forever (Kohei Igarashi) : artefacts épars d’un monde perdu

    Sano (Hiroki Sano) séjourne dans un hôtel d’Izu avec son ami Miyata (Yoshimori Miyata), à la recherche d’un objet perdu, il apparaît que ce n’est pas la première fois qu’il se rend en ces lieux.  Après Hold Your Breath Like A Lover (2015) et la co-réalisation de Takara, la nuit où j’ai nagé (2018, Damien…