Ali (Ekin Koç), universitaire, revient en Turquie après quatorze années d’absence. Il y retrouve des parents âgés, et notamment une mère invalide dont il faut s’occuper.
Avec ce deuxième long-métrage, Alireza Khatami opère une translation de son Iran natal vers la Turquie. Si le pays de l’action change, le genre auquel se rattachent ces deux productions diffère peu. Après une exposition d’un certain naturalisme où les lignes de force de la famille sont exposées, le film bascule en effet peu à peu vers le thriller après la survenue d’un premier drame. Ce dernier éprouve les certitudes du jeune homme dont l’avenir professionnel semble par ailleurs précarisé par la non-reconduction du cours qu’il donne pour le second semestre. Si le choix du pays d’Atatürk laisse augurer une orientation politique à l’instar de son premier film, Katami opte ici pour une exploration intime de l’intériorité de son personnage. Ce dernier est spécialisé en littérature comparée, et donc en traduction, soit une forme de dédoublement d’un texte entre l’original et la transposition. Cette duplicité s’incarne justement en lui jusqu’à un certain point où le métrage connaît un autre point de bascule.
Formellement, The Things You Kill constitue par certains aspects la continuation de Chroniques de Téhéran (2023), notamment par le recours au plan longs et plus généralement, aux séquences peu découpées. Dans les deux cas, cette approche permet de faire affleurer les tensions internes aux personnages. Ali est, littéralement, tiraillé entre une part positive et une foncièrement mortifère. Ainsi, Alireza Khatami bâtit une figure duplice, à la fois impuissante et redoutable, empathique et brutale, dont l’issue ne peut être que la mise à mort symbolique d’un des deux pans. Ce qui anime le film n’est pas tant la résolution des faits divers que l’élucidation des mystères d’un homme qui a longtemps fui son pays et une part de son existence. Le long-métrage répond finalement peu aux interrogations qui se font jour, poussant même à s’interroger sur la véracité de ce qui est montré.
Traduire, du latin translatus, et Ali le souligne à ses étudiants, correspond à une transposition, soit un déplacement vers un équivalent. Dans son acception arabe, le verbe renvoie à la mise à mort. Il s’agit donc d’un transfert fatal, traduire serait trahir. Ali, longtemps, semble se mentir à lui-même car inconscient de ses contradictions qu’il va finir par apurer pour tenter de se libérer de son passé. Si tentative il y a, on peut s’interroger sur son succès.
Image de couverture © Le pacte
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The Things You Kill (Alireza Katami, Turquie, Pologne, France, Canada, 2025) : Éliminer la contradiction
Ali (Ekin Koç), universitaire, revient en Turquie après quatorze années d’absence. Il y retrouve des parents âgés, et notamment une mère invalide dont il faut s’occuper. Avec ce deuxième long-métrage, Alireza Khatami opère une translation de son Iran natal vers la Turquie. Si le pays de l’action change, le genre auquel se rattachent ces deux…