Malisard (Philippe Noiret) et Prévot (Pierre Richard) sont deux journalistes, le premier écrit tandis que l’autre photographie. Marco Pico, le réalisateur, filme ses deux personnages dans les rues de Paris, à la recherche de scoops qui pourraient nourrir la rubrique des faits divers du journal.

Si le fond du film n’est pas absurde, son humour l’est. Le duo Richard-Noiret / Prévot-Malisard se fond dans une aventure tentaculaire qui évolue vers plusieurs thèmes (perte des enfants avant tout, recherche de scoops, querelle entre les deux protagonistes…) sans jamais délaisser cette absurdité. A travers un scénario totalement abracadabrant et délirant, Marco Pico parvient à transcender le point de départ du film ; la perte des enfants de Prévot.  Car c’est justement par cette perte que le réalisateur développe aussi une pensée politique du journalisme : la faim du scoop. Le patron du journal (Claude Piéplu) est sans cesse en recherche de l’histoire qui pourrait lancer les impressions de son journal, au point de ne pas réfléchir véritablement à ce qu’il publie, et ne pas reconnaître ses propres employés sur un avis de recherche qu’il publie dans tout Paris. Un exemple parmi d’autres de naissance de l’absurde.

L’absurde n’est pour autant pas le seul ressort comique utilisé par Pico, puisqu’il ajoute à celui-ci un comique de répétition bien dosé. On pense notamment au  « Merde, mes gosses » que Prévot n’a de cesse de répéter. Ses enfants semblent être un poids pour lui – non pas qu’il ne les aime pas, quoi que nous n’ayons jamais la preuve du contraire –, et il ne correspond pas à l’image traditionnelle du père attentionné, protecteur. Dès les premières minutes du film, il se trompe d’ailleurs de sortie à l’école, attendant ses deux garçons devant l’école des filles ,et Malisard et lui sont confondus pour deux pédophiles avec leurs paquets de bonbons, ce qui aura des répercussions dans la suite du film.

Répercussions. Parlons-en. Chaque séquence dialogue, rien n’est mis au hasard. Il y a toujours une raison. Rien n’est anodin. Du début à la fin, le film fonctionnera à base de cause – conséquence. Malisard et Prévot sont pris pour des pédophiles au début du film, cela leur causera préjudice à la fin du film, et ironiquement ce sera leur patron qui placardera leurs portraits robots sur chaque journal de Paris. Il n’y a pas une scène laissée à l’abandon, pas une scène que Marco Pico n’utilisera pas pour nourrir son quiproquo. Car oui, le malentendu – aussi évident soit-il – est, d’une part, hilarant mais permet aussi de livrer une critique du journalisme : un domaine en soif d’histoires qui feraient vendre. 

Vendre. Je l’évoquais plus haut mais le patron du journal fait de son domaine une véritable usine, fait des informations un produit. On le voit constamment (avant de découvrir l’histoires des sadiques que sont Malisard et Prévot) refuser des sujets divers pour son journal : braquage de la bijouterie, meurtre du bijoutier. On ne comprend finalement pas réellement la raison bien qu’il dise que ce serait « insulter l’intelligence du lecteur » que de lui faire lire ceci. Pourtant, l’histoire qu’il acceptera, celle qu’il choisira pour faire la une de son journal, la vedette même de ses impressions est celle qui tiendra le moins debout.

Au milieu de tout cet amalgame de comicité, un autre élément subsiste : le dynamisme. Dès les premières images du film que l’on a, la ville se dérobe à nos yeux : nous sommes à l’arrière d’une voiture , puis nous voyons en l’espace de quelques instants les immeubles, les bars, les restaurants parisiens filer. La conduite chauffardesque de Prévot, les successions de décors/ruelles mettent un coup d’accélérateur au film, et ce dès le tout début. Le rythme ne s’effrenera pas, au bruit persistant des cris, des cliquetis des machines à écrire, aux enchaînements/transitions des plans et décors ; jamais Marco Pilo ne laissera le temps à son spectateur de respirer. Et c’est tant mieux.

Un nuage entre les dents, Marco Pico, ressortie au cinéma le 20 novembre, Malavida