Le Festival La Rochelle Cinéma est l’occasion de se projeter sur l’année cinéphilique qui vient, à la manière de son homologue cannois. En effet, on y découvre quelques avant-premières de film qui irrigueront les agendas des critiques sur les quelques semaines à venir. Cet article est un rapide tour d’horizon de certains films qui ont marqué mes quelques jours de festivalier. 

Hafsia Herzi revient avec la casquette de réalisatrice avec La Petite Dernière, son troisième long-métrage. Il raconte l’histoire de Fatima, lycéenne ayant une foi musulmane à laquelle elle dédie une part importante de sa vie, mais qui se découvre homosexuelle. Herzi s’empare ici d’un sujet absolument brûlant du contemporain, très Printemps Républicain compatible. En réalité, la cinéaste s’aventure sur un terrain bien glissant en adaptant le livre du même nom de Fatima Daas, car pouvant débusquer sur un portrait stéréotypé de l’islam, comme religion seulement oppressive. Or, Hafsia Herzi ne semble pas vraiment s’en préoccuper. En effet, elle s’attarde beaucoup plus sur l’éveil de cette jeune fille, sentimental mais aussi dans son identité lesbienne. De ce point de vue, la cinéaste est comme un poisson dans l’eau, puisqu’en totale maîtrise de sa forme naturaliste. C’est là qu’elle capte avec une grande justesse les états d’âme de sa protagoniste principale comme elle sait si bien le faire, mais pas que. Il semble également qu’elle arrive à saisir le contemporain de l’homosexualité, dans toute sa matérialité. Des soirées dansantes aux applis de rencontre, Herzi distille avec précision tout un univers matériel auquel a de plus en plus accès Fatima. Mais dans ce très joli film, il manque tout de même le sel de la réflexion qui nous était vendue au premier abord. Le film effleure la tension qui peut exister entre ces deux compartiments de la vie de Fatima, mais ne va pas plus loin. Il y a en effet assez peu de scènes où l’homosexualité se confronte avec la religion, alors que cela semblait un point névralgique passionnant du film. La seule véritable séquence qui s’empare de cette question est la plus faible, relevant de la confrontation verbale assez manichéenne entre Fatima et un imam. Finalement, malgré avoir fait un très beau film, Hafsia Herzi bute sur une question qui aurait mérité traitement plus poussé.

Ce tour d’horizon se poursuit en Ecosse avec On Falling, film réalisé par la Portugaise Laura Carreira. C’est encore le destin d’une femme, du nom d’Aurora, que l’on suit pendant la centaine de minutes du film, l’occasion de rappeler combien le FEMA œuvre pour que sa sélection de film obéisse au réel de la diversité des corps de notre société. Ici, il s’agit d’une préparatrice de commandes dans un entrepôt Amazon, firme jamais citée explicitement. Ce très rapide synopsis est déjà criant de la vérité du film. C’est bien de la dureté de ce travail que le film va prendre en charge. Ce qui surprend d’abord c’est le côté très précis que la réalisatrice a de vouloir montrer le réel délirant de ces travailleurs. Il était amusant de sonder les réactions outrées de la salle devant certaines scènes du film, qui auraient pu paraitre anodines au premier abord. Le réel vient empoisonner la vie des travailleurs par petites touches, à l’image de ce scanner aux bips incessants qui devient hostile à la moindre perte de rythme d’Aurora. La mise en scène de la cinéaste passe par une gestion parfaite du matérialisme (dans son sens premier, la matière comme déterminante de la vie) et du symbolisme, qui conjointement liés donnent toute leur puissance aux scènes. Par exemple, le manque de moyens des protagonistes engendre une véritable précarité et impossibilité d’accès à la matière. La réalisatrice lie cette dimension au symbolique via certaines scènes, comme quand Aurora ne peut s’acheter un fard à paupières fraîchement testé au Sephora local pour son entretien d’embauche. La deuxième grande force du film s’incarne dans le relatif retrait d’un scénario balisé, qui aurait alourdi tout le film. On a plutôt affaire à une succession de scènes avec un fil directeur plus ou moins tracé, sans forcément que les scènes aient un but véritable de faire sens les unes aux autres. La réalisatrice ne cède jamais dans le confort d’avoir un but téléologique à atteindre. Le spectateur peut donc se concentrer sur ce qu’il se passe, le crime capitaliste à l’intérieur des scènes plutôt que d’attendre le prochain rebondissement dans un confort bourgeois.

Pour finir, on change d’époque et de continent avec The President’s Cake, portrait des années Saddam Hussein en Irak à travers le regard de deux enfants missionnés pour préparer un gâteau d’anniversaire en son honneur et lui apporter des fruits. On a vu auparavant que symbolisme et matérialisme pouvaient entrer en synergie pour donner de véritables puissances esthétiques. Ici, on assiste à la prise de pas du symbolique sur le matériel et donc un film qui se coupe l’herbe sous le pied en permanence. Le contrat du film est simple : la recherche des ingrédients des deux enfants dans la grande ville mène à une exploration des différents arcanes du pouvoir irakien, et donc une dénonciation de son autoritarisme latent. Le film se révèle en réalité incomplet. Il décrit assez bien le côté folklorique de la figure d’Hussein. A la manière d’un petit père du peuple stalinien, il affiche son portrait un peu partout, et des images d’archives nous le montrent comme un homme souriant, prêt à serrer la main des honnêtes gens. Les fonctionnaires zélés de la bureaucratie irakienne ne sont pas en reste. Ils sont de tristes sires voués à cirer les bottes de leur supérieur, dépeints comme de gentils idiots tintinesques, que l’on ne croirait pas capables de faire mal à une mouche. C’est là que se cache la faiblesse du film, incapable de se montrer véritablement méchant envers un régime capable du pire. Le régime pouvait arbitrairement envoyer des prisonniers dans la tristement célèbre prison d’Abou Ghraib, où les conditions de détention étaient pires qu’inhumaines, ou juste les exécuter sans plus de procès. Cette dimension qui fonde véritablement un régime autoritaire sur la violence, est absente du film. Celui-ci tend malheureusement vers un relativisme probablement contraire à la vision du cinéaste. En somme, cette vision d’enfants n’est pas le bon outil pour le cinéaste, s’obligeant à lisser son film pour correspondre à leurs idéaux, mais laisse le spectateur dans une position demi-teinte.

En somme, saluons une nouvelle fois le FEMA de donner lieu et place à une diversité d’horizons cinématographiques, tant sur le plan géographique, du point de vue social et sociétal, mais aussi formelle. C’est dans cette optique que le festival se veut une vraie vitrine du contemporain et réussit avec brio à sélectionner cette multiplicité d’œuvres éclectiques.      


  • Petit tour (du monde) des avant-premières du FEMA

    Petit tour (du monde) des avant-premières du FEMA

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